L’hôpital Saint-Jean-Baptiste
Fondation de l’hôpital Saint-Jean-Baptiste (1408)
L’acte de fondation de l’hôpital Saint-Jean-Baptiste, dans la paroisse du Saint-Sépulcre à Saint-Omer, fut passé en 1408 [1] :
Le 28 mai 1408. – « A tous ceulx que ces présentes lettres verront ou orront Maieurs et eschevins de la ville de Saintaumer salut. Savoir faisons à tous présents et advenir que aujourd’huy en le hale et eschevinage de ladite ville pardevant nous sont venu et comparu nobles et discrètes personnes Madame Marie Gherbode dame de le Hollande veuve de feu noble homme Mgr Jehan de Wissocq, jadis chevalier seigneur dudit lieu de le Hollande, Jacques de Wissocq escuier sgr de Tanay et demoiselle Colarde de La Viesville sa femme, Nicolas de Wissoc, escuier, sgr de Nieurlet, damoiselle Jacquemine de Sainte-Audegonde sa femme, maître Jehan de Wissocq doyen et chanoine de Thérouanne, maître Anthoine de Wissoc licencié es lois, madame Jehanne de Wissoc, veuve de feu Mgr Guy de Boubers dit d’Ivregny, jadis chevalier, Baudoin du Brœucq escuier et demoiselle Marie de Wissocq sa femme, enfants et héritiers dudit feu chevalier et de ladite dame » lesquels ont, pour remplir les intentions de ce dernier, fondé un Hôpital à l’honneur de Saint-Jean-Baptiste « pour rechevoir, couchier, herberguier et alimenter les povres… », hôpital commencé par ledit Jean de Wissocq et achevé par sa femme, « sis en la Liste Rue, en le paroisse de Saint-Sépulchre. »
« Seront receu, couchié et herbergié de nuit toutes manières de povres gens qui se vauldront logier et herbergier ou cas touteffoys qu’ils y viengnent de boin heure, et n’y debvront estre receu ne logié deux nuis de route et ensievans, lesquels povres depuis la nuit de Toussains jusques au jour des Quaresmeaux seront cauffé et aront du pain, du lart, du potage, du seel, de le boulie, des hérencs au jour de poisson et des candeilles chascune nuit au frait dudis hospital et seront tenus de eulx deslogier et partir dudit hospital lendemain de le nuit que logié y aront esté dedens heure de prime ou assez tost apréz. » (etc.)
Jeanne de Wissocq, fille des fondateurs, a fait une donation complémentaire en 1434 : les archives de la Chambre des comptes de Lille renferment des lettres de gratification données par Philippe, duc de Bourgogne, octroyant l’amortissement des rentes et héritages donnés par « Jeanne de Vissocq, dame de Becoud », à l’hôpital Saint-Jean fondé à Saint-Omer par « messire Jean de Vissocq, chevalier », et sa femme, père et mère de ladite dame, parce que « en icelle ville de Saint-Omer sont et habundent de jour en jour grande quantité de povres gens, tant natifz de ladicte ville et du pays environ qui ne savent à quoy gaingnier leur vie comme des pays de France, de Normandie, de Picardie et d’aultres parties de ce royaulme, destruis par le fait des guerres, desquelz povres moult y a des enfans, et de malades les aucuns de froidure et de famine, les autres naturelment et les autres de grandes et énormes paines et bleceures que leur ont esté faites par noz ennemis et aultrement » (1434) [6].
Rôle de l’hôpital Saint-Jean-Baptiste
D’après Jean Derheims, dans son Histoire de Saint-Omer (1843) [7] , « l’hôpital de Saint-Jean-Baptiste, Litte-rue haute, a été établi (…) en faveur des pélerins. Selon l’acte de fondation de cette maison [reproduit ci-dessus], les personnes des deux sexes, qui voyageaient pour accomplir un vœu religieux, jouissaient du droit d’être logées et hébergées pendant trois jours dans l’hospice de Saint-Jean. »
« Les héritiers de Jean de Wissocq agrandirent plus tard l’hospice de Saint-Jean, et en modifièrent la règle, de sorte qu’on y reçut indistinctement les voyageurs indigents. Plus tard encore, par la munificence de la même famille, le mobilier de l’établissement s’enrichit de trente nouveaux lits, destinés à autant de femmes infirmes. Enfin, des personnes charitables vinrent à leur tour, dans le commencement du XVIe siècle, augmenter l’utilité de l’hospice fondé par Jean de Wissocq, en dotant cet établissement d’un nouveau nombre de couches pour les individus des deux sexes, âgés et infirmes. »
A cette époque (1843), l’hospice hébergeait 150 « vieillards infirmes », hommes et femmes, qui étaient soignés par des religieuses du tiers-ordre de Saint-François.
Rénovation et commémoration
Une plaque, qui existe toujours, fut posée en 1882 sur la façade de l’hôpital Saint-Jean-Baptiste pour rappeler l’histoire de cet établissement, comme en témoigne cet article paru dans les colonnes du Mémorial Artésien (3 septembre 1882, p. 3) :
« Hospice Saint-Jean. – La commission administrative des Hospices de notre ville vient de faire placer à la hauteur du premier étage de l’hospice Saint-Jean, une grande plaque en marbre noir, sur laquelle on a gravé, en caractères dorés, une légende qui rappelle l’origine et les développements successifs de cet établissement charitable. Nous recopions textuellement : »
HOSPICE ST JEAN
–
Fondé par Jean de Wissocq
1408
Reconstruit par Mr de Trazegnies
1778
Agrandi
Par l’adjonction de l’ancien couvent
des Repenties
Arrêté du 24 nivose An II
Par le legs de Mr et Mme Huguet-Broucq
1855
Par la donation de Sr Marie Dusautois
1869
Par l’acquisition de deux Maisons
1874
Restauré – 1881-1882
« Les travaux de reconstruction d’une nouvelle partie de la façade de l’hospice se poursuivent avec la plus grande activité (sous la conduite de M. Libersalle, architecte), et pourront être terminés avant l’arrivée de la mauvaise saison. Quand tous les embellissements extérieurs, en voie d’exécution, seront achevés, et que tous les heureux changements prémédités pour la plus grande commodité du service intérieur seront réalisés, l’hospice Saint-Jean pourra à juste titre être considéré comme un des plus beaux asiles de la vieillesse du Nord de la France. Toutes ces améliorations sont dûes à l’habile direction et au zêle infatigable de l’administrateur qui dirige cet établissement depuis plus de quinze ans avec un dévouement absolu. »
Cette plaque fut restaurée en 1904 (le travail fut confié à M. Numa Colin, « sculpteur de talent, qui jouit à Saint-Omer d’une réputation méritée ») [2], et la façade de l’hospice en 1913 [3] : « Ce travail devenu des plus nécessaires va donner un regain de jeunesse au vieil établissement qui compte à l’heure actuelle plus de cinq cents ans d’existence. Combien de générations d’infortunés sont venus pendant cette longue période y demander asile, y recevoir des soins compatissants et goûter dans leurs derniers jours un repos qu’ils ne pouvaient trouver ailleurs ? »
« Aussi quelle reconnaissance ne doivent-ils pas éprouver pour les âmes charitables qui ont fondé cette maison et pour celles qui l’ont dans la suite enrichi par des actes de munificience. »
« Rappelons brièvement que l’Hospice Saint-Jean doit son origine à un descendant d’une ancienne famille de Saint-Omer, Jean de Wissocq, qui vivait à la fin du XIVe siècle et dans les premières années du XVe. Cet homme généreux, pour l’accomplissement de son pieux dessein, construisit les bâtiments nécessaires sur un terrain lui appartenant dans la Litte rue (aujourd’hui rue de Wissocq). La mort le surprit avant qu’il ait pu mener son entreprise à bonne fin. Sa veuve Marie Gherbode, dame de la Hollande, qui connaissait les sentiments de son mari et les partageait, continua l’œuvre commencée et, le 25 mai 1408, elle passait devant le Magistrat l’acte de fondation de l’Hospice. (…) C’est avec la plus légitime raison que le Conseil municipal a donné jadis le nom du bienfaiteur à la rue où se trouve la maison qu’il a fondée. »
Cette fondation pieuse avait été permise par la grande fortune constituée au cours des décennies précédentes par Jean de Wissocq, qui s’était enrichi par le commerce du vin au sein de la Hanse de Saint-Omer, organisation dans laquelle il avait été reçu en 1350 (« Jehan de Wissoc fils Pieron »)[4].
Description actuelle
Voici la description de l’hôpital Saint-Jean-Baptiste que donne la base Mérimée (ministère de la culture) [5] :
« L’origine de l’édifice remonte à la fin du 15e siècle. Sur un parcellaire qui n’a cessé de s’étendre jusqu’au 19e siècle, divers bâtiments se sont implantés. La longue façade sur la rue de Wissocq montre, dans une homogénéité parfaite, le savoir faire des maçons audomarois sur une période d’un siècle (1778-1880). La chapelle néo-gothique des années 1860 s’inscrit perpendiculairement à la rue. Le bâtiment de la Communauté, de la fin du 18e siècle, longe le flégard, vestige de voirie médiévale. Le bâtiment Saint-François est le seul subsistant du couvent des Filles Repenties, et il renferme, outre des traces archéologiques de bâtiments plus anciens, une intéressante lingerie qui a conservé ses dispositions d’origine. Cet ensemble de bâtiments peut sembler à priori hétéroclite. Cependant, il s’est inséré dans le parcellaire de façon cohérente au cours des siècles, avec un souci de qualité architecturale toujours présent. Il est la mémoire de l’histoire des hôpitaux de Saint-Omer. »
[1] Archives de Saint-Omer, Ms. 1389, Gros registre du greffe (1166-1778), folio 161. Transcription par A. Giry, dans le tome 15 des Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, 1876, page 138 [voir sur Gallica]. Se trouve aussi dans : L. Deschamps de Pas, Recherche historique sur les maisons hospitalières de Saint-Omer, 1877, page 406 ; et dans les Bulletins de la Société des Antiquaires de la Morinie, tome 4, 1867-1872, page 572 [voir sur Gallica].
[2] Le Mémorial Artésien, 11 juin 1904, p. 2.
[3] Le Mémorial Artésien, 25 mai 1913, p. 2.
[4] Archives de Saint-Omer, ms 889, Registre des receveurs de la Hanse et règlement de cette institution. Transcription par C. Wyffels (1244-1306) et par M. Violette de Noircarmes : Bibliothèque de Saint-Omer, Fonds Violette de Noircarmes, 206/60, dossier Wissocq, pièce n°46.
[5] Base Mérimée, base de données sur le patrimoine architectural français, immeubles protégés au titre des Monuments Historiques.
[6] Inventaire-sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, Nord, Archives civiles, série B, Chambre des comptes de Lille, n° 1842 à 2338, tome IV, Lille, 1881, p. 128.
[7] Jean Derheims, Histoire de la ville de Saint-Omer, Saint-Omer, 1843, p. 606. [voir en ligne]